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Retour de pèlerinage

Quel bien cela faisait de revenir dans les Laurentides sans devoir franchir les portes d’un hôpital, assister à des funérailles, ou vivre dans l’inquiétude de les savoir si malades. L’atmosphère était tout autre : empreinte de fébrilité, teintée d’une certaine tristesse, mais aussi d’une joie intérieure — car je les sentais si présents en moi, bienveillants — et d’une profonde détente. Saint-Sauveur et la rue principale ont conservé leur charme. La place devant l’église, l’église elle-même, le beau concert à l’église, la librairie ésotérique, les factoreries, les belles montagnes, les émotions fortes, les souvenirs ravivés, le temps suspendu… Tout me rappelait hier et le sentiment que tout n’était pas révolu. Dans l’autocar vers Saint-Jérôme, l’émotion m’a submergée à la vue de Bellefeuille. Tout s’est ravivé. Là où je marchais avec ma mère… j’étais présente, nous étions là… Lorsque j’ai vu la sortie d’autoroute… j’étais dans la voiture auprès d’elle, et j'éprouvais exactement ...

Nostalgie

« Il est six heures trente, le soleil est encore très bas. Devant moi, la plage, l'eau, les pêcheurs, qui ramènent leurs filets, la lumière très douce, un peu funèbre des matins des tropiques. Je sens remonter en moi une incroyable bouffée de nostalgie, qui me reporte près de quinze ans en arrière, aux petits matins de mer Rouge et des Seychelles, quand j'avais vingt ans, que les tropiques m'émerveillaient, que le monde entier, à découvrir, me paraissait une promesse d'avenir, de bonheur, de puissance, et déjà, déjà, ce même point douloureux au creux du ventre, comme si la nostalgie c'était bien autre chose que le temps qui est passé, comme si, déjà à vingt ans, on s'y laissait prendre, comme si c'était plutôt un sentiment physique, une tristesse de savoir que des moments sublimes ne peuvent se fixer. Qu'ils ne reviendront pas. Et pourtant, ils reviennent, et la nostalgie n'en est que plus grande, car elle se charge du souvenir des fois précédentes. »
Louis Malle (citation puisée dans : Pierre Billard. Louis Malle : Le rebelle solitaire. Paris : Plon, 2003, p. 287)

Nous avons rarement lu un aussi beau passage sur la nostalgie. De plus, Malle l'exprime avec émotion. On se laisse prendre par sa description, comme si l'on vivait personnellement ce qu'il ressentit ce jour-là.