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Sur les chemins de Sylvain Tesson

Pour qui souhaite découvrir l’écrivain Sylvain Tesson, je recommande Dans les forêts de Sibérie pour la solitude et la poésie du quotidien. C’est le livre que j’ai le plus aimé. J’ai aussi apprécié La Panthère des neiges , pour la contemplation et la beauté du monde sauvage. Si le Tibet vous attire et que vous aimez le travail de Vincent Munier, ce photographe qu’il accompagne, vous serez servi. À ne pas négliger : Sur les chemins noirs , un périple entrepris après un terrible accident, une réappropriation du territoire inexploité — ces fameux chemins noirs qui apparaissent sur les cartes, zones encore sauvages, que l’Homme n’a pas envahies. Il a eu beaucoup de courage pour se lancer dans cette traversée, parfois seul, parfois accompagné, sachant qu’il pouvait à tout instant faire une crise d’épilepsie. Son vocabulaire est riche, son écriture dense et poétique, et j’aime le regard qu’il jette sur le monde. Je ne dirais pas qu’il est désabusé, mais il se tient à l’écart. Et toujours, e...

Agitation sur place
(mouvement vers l'immobilité)

« Ma volonté d'éprouver ne se traduit pas par une tendance à agir vers l'inconnu, mais par une tendance à m'agiter dans ce que je connais avec l'espoir d'y découvrir ma pure affirmation. Si j'examine loyalement ma vie passée, j'y vois jouer ma tendance à la répétition; à mesure que coulaient mes années, je me suis fixé de plus en plus dans certaines relations stéréotypées avec le monde extérieur.

Si je suis ambitieux, c'est-à-dire si je trouve dans le fait de dominer autrui un sentiment d'affirmation, je persévère dans la recherche du pouvoir; j'ai eu cent fois l'occasion de constater que cette expérience ne me donne pas la parfaite et définitive conscience d'« être » qui est mon but réel; je continue pourtant à m'agiter dans cette expérience avec l'espoir d'atteindre ce but.

Si je suis avide de richesses, je continue de même à m'agiter pour l'obtention ou la conservation de mes richesses, bien que celles-ci ne m'aient jamais donné la parfaite satisfaction; c'est-à-dire que je me fixe dans l'« état » qui est lié pour moi au fait de posséder quelque chose.

Si je suis masochiste, c'est-à-dire si j'envisage mon affirmation dans le fait de supporter victorieusement la malveillance d'autrui ou du destin, je persévère dans mon « état » douloureux avec l'espoir d'en éliminer un jour toute la négativité.

L'instabilité de certains êtres n'est pas une exception à cette loi; ils répètent inlassablement l'expérience de changer de résidence, ou de métier, ou d'amis, etc.; malgré les apparences, il s'agit encore là d'une agitation sur place. Les gestes que je fais et qui semblent manifester une activité intérieure sont seulement des sauts d'un « état » à un autre « état ». (...)

Ma volonté d'éprouver – agitation sur place, c'est-à-dire à la fois mouvement et fixité – explique mon attitude envers le temps. (...) Théoriquement, je bouge avec ma durée et je vis par conséquent dans un présent sans cesse nouveau; pratiquement, je m'immobilise dans ma durée qui s'écoule malgré moi et je la vis dans un rêve d'avenir sans cesse répété. (...)

Ma volonté d'éprouver me projette nécessairement dans l'avenir et il m'est impossible, dans cette attitude, de vivre consciemment l'instant présent. »

– Hubert Benoit, Lâcher prise : théorie et pratique du détachement selon le Zen, 4e édition, Paris : Le courrier du livre, 1985, p. 47-48