Quel bien cela faisait de revenir dans les Laurentides sans devoir franchir les portes d’un hôpital, assister à des funérailles, ou vivre dans l’inquiétude de les savoir si malades. L’atmosphère était tout autre : empreinte de joie intérieure (car je les sentais si présents en moi, et bienveillants aussi) et de profonde détente. Saint-Sauveur et la rue principale ont conservé leur charme. La place devant l’église, l’église elle-même, le beau concert à l’église, la librairie ésotérique, les factoreries, les belles montagnes, les émotions fortes, les souvenirs ravivés, le temps suspendu… Tout me rappelait hier et le sentiment que tout n’était pas révolu. Dans l’autocar vers Saint-Jérôme, l’émotion m’a submergée à la vue de Bellefeuille. Tout s’est ravivé. Là où je marchais avec ma mère… j’étais présente, nous étions là… Lorsque j’ai vu la sortie d’autoroute… j’étais dans la voiture auprès d’elle, et j'éprouvais exactement ce que j’avais vécu à ce moment-là. Il en fut de même dans...
« La vallée qui s'étendait à nos pieds était remplie des activités de la plupart des vallées. Le soleil était en train de se coucher derrière les lointaines montagnes et les ombres étaient aussi sombres qu'allongées. C'était une soirée tranquille, un vent léger venait de la mer. Les orangers, rang après rang, étaient presque noirs et sur la longue route droite qui parcourait la vallée on voyait de temps à autre les reflets des voitures qui renvoyaient les derniers rayons du soleil couchant.
L'esprit semblait parcourir l'espace immense et la distance interminable, ou plutôt, l'esprit semblait s'étendre de façon illimitée, et au-delà et au-dessus de l'esprit il y avait quelque chose qui contenait toutes les autres choses. L'esprit essayait vaguement de lutter pour reconnaître et accepter les diverses activités qui n'entraient pas dans son champ, et ce faisant, il interrompait ses activités habituelles. Mais il ne pouvait pas saisir ce qui n'était pas de la même nature que lui et bientôt toutes choses, y compris l'esprit, furent embrassées dans cette immensité. La nuit tombait, et les aboiements lointains d'un chien ne troublèrent en rien ce qui est au-delà de toute conscience. On ne peut y penser et l'esprit ne peut donc en faire l'expérience. »
– Krishnamurti, Commentaires sur la vie : Qui êtes-vous ?, Intégrale, « L'immensité », préambule, J'ai lu, 2015, chapitre 145, p. 719