Pratique de la photographie (À la manière de Cartier-Bresson)

« Je suis un visuel, j'observe, j'observe, j'observe. C'est par mes yeux que je comprends les choses. »

« Il faut être sensible, essayer de deviner, être intuitif : s'en remettre au "hasard objectif". »

« S'approcher discrètement de son sujet, le photographier rapidement, puis s'en aller sans se faire voir. »

« En photographie, la création est la courte affaire d'un instant, un jet, une riposte, celle de monter l'appareil à la ligne de mire de l'oeil, de happer dans la petite boîte ce qui vous a surpris, saisir au vol sans tricherie, sans laisser rebondir. On fait de la peinture tandis que l'on prend en photo. »

« À un moment précis les choses s'organisent en un ordonnancement à la fois esthétique et significatif. »

« L'instant décisif correspond à la reconnaissance simultanée, dans une fraction de seconde, d'une part de la signification d'un fait et de l'autre d'une organisation rigoureuse des formes perçues visuellement qui expriment ce fait. »

« Mes photos sont des variations sur un même thème et je tourne autour du sujet comme l'arbitre dans un match de boxe. Nous sommes passifs devant un monde qui bouge et notre unique moment de création est le 1/25 de seconde où l'on appuie sur le bouton, l'instant de bascule où le couperet tombe. Nous sommes comparables aux tireurs qui "lancent" leur coup de fusil. »

« Très soucieux du respect de mes cadrages. Ce n'est pas une espèce de complaisance, mais par fidélité à la chose vue. Le cadre d'une photo doit être celui du viseur. »

« Il faut être un piéton invétéré pour voir les choses. »

« La photographie pour moi n'est pas un travail, juste un dur plaisir, ne rien vouloir, attendre la surprise, être une plaque sensible. »

« C'est le regard qui compte. »

« Le temps court et s'écoule et notre mort seule arrive à le rattraper. La photographie est un couperet qui dans l'éternité saisit l'instant qui l'a éblouie. »

« On évitera de mitrailler, en photographiant vite et machinalement, de se surcharger ainsi d'esquisses inutiles qui encombrent la mémoire et nuiront à la netteté de l'ensemble. »

« Nous jouons avec des choses qui disparaissent, et, quand elles ont disparu, il est impossible de les faire revivre. »

« Notre tâche consiste à observer la réalité avec l'aide de ce carnet à croquis qu'est notre appareil, à la fixer, mais pas à la manipuler ni pendant la prise de vue, ni au laboratoire par de petites cuisines. Tous ces truquages se voient pour qui a l'oeil. »

« Il faut approcher le sujet à pas de loup, même s'il s'agit d'une nature morte. Faire patte de velours, mais avoir l'oeil aigu. Pas de bousculades, on ne fouette pas l'eau avant de pêcher. »

« Être lucide vis-à-vis de ce qui se passe et être honnête vis-à-vis de ce que nous sentons. Se situer, en somme, par rapport à ce que l'on perçoit. »

« En photographie, la plus petite chose peut être un grand sujet, le petit détail humain devenir un leitmotiv. »

« Nous voyons et faisons voir dans une sorte de témoignage le monde qui nous entoure et c'est l'événement par sa fonction propre qui provoque le rythme organique des formes. »

« Respecter l'ambiance, intégrer l'habitat qui décrit le milieu, éviter surtout l'artifice qui tue la vérité humaine et aussi faire oublier l'appareil et celui qui le manipule. »

« Pour qu'un sujet porte dans toute son intensité, les rapports de forme doivent être rigoureusement établis. »

« La photographie est pour moi la reconnaissance dans la réalité d'un rythme de surfaces, de lignes et de valeurs. »

« La composition doit être une de nos préoccupations constantes, mais au moment de photographier elle ne peut être qu'intuitive, car nous sommes aux prises avec des instants fugitifs où les rapports sont mouvants. »

« Pas de bruit, pas d'ostentation personnelle, être invisible, autant que faire se peut, ne rien "préparer", ne rien "arranger", simplement être là, arriver tout doucement à pas de loup afin de ne pas troubler l'eau. »

« Les photographies auxquelles je tiens sont celles que l'on peut regarder plus que deux minutes, ce qui est très long. Mais les photographies que l'on peut regarder encore et encore ? Il y en a peu, très peu. »

« [La photograhpie] exige une force de concentration jointe à un enthousiasme et à une discipline d'esprit précise. »

« On doit toujours photographier dans le plus grand respect du sujet et en fonction de son propre point de vue. »

« Je ne cherche jamais à faire la grande photo. C'est la grande photo qui m'est offerte. Il faut être disponible et sauter dessus, être là, ne pas réfléchir, s'oublier, ne pas vouloir, mais le flair, le pifomètre, le compas dans l'oeil, il n'y a pas de secret, ça ne va pas plus loin que ça... »

« Le sujet ne prend d'importance et la photo de force que si l'on réussit à s'oublier soi-même. Par cette attitude seule, on parvient à toucher quelque chose de sensible. »

– Henri Cartier-Bresson, extraits puisés dans le livre de Clément Chéroux, Henri Cartier-Bresson : Le tir photograhique, Paris : Gallimard, 2008, p. 39-40, 95, 98, 107, 111, 118, 122, 125, 128, 131-134, 144-145