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Retour de pèlerinage

Quel bien cela faisait de revenir dans les Laurentides sans devoir franchir les portes d’un hôpital, assister à des funérailles, ou vivre dans l’inquiétude de les savoir si malades. L’atmosphère était tout autre : empreinte de joie intérieure (car je les sentais si présents en moi, et bienveillants aussi) et de profonde détente. Saint-Sauveur et la rue principale ont conservé leur charme. La place devant l’église, l’église elle-même, le beau concert à l’église, la librairie ésotérique, les factoreries, les belles montagnes, les émotions fortes, les souvenirs ravivés, le temps suspendu… Tout me rappelait hier et le sentiment que tout n’était pas révolu. Dans l’autocar vers Saint-Jérôme, l’émotion m’a submergée à la vue de Bellefeuille. Tout s’est ravivé. Là où je marchais avec ma mère… j’étais présente, nous étions là… Lorsque j’ai vu la sortie d’autoroute… j’étais dans la voiture auprès d’elle, et j'éprouvais exactement ce que j’avais vécu à ce moment-là. Il en fut de même dans...

L'habitude de se dresser
(évaluation de sa vie)

Tout dressage consiste fondamentalement en ce que j'évalue ma vie, en ce que je la juge bonne ou mauvaise; toute appréciation de mes phénomènes extérieurs ou intérieurs est une caresse ou un coup donné à mon cheval.

Et le Zen nous rappelle avec insistance l'intérêt de dépasser cette partialité : « Aussitôt que vous avez le bien et le mal, la confusion s'ensuit et l'esprit est perdu. » Le Zen nous montre que cette évaluation, ce dressage, constitue la manipulation intérieure fâcheuse dont nous avons l'habitude et dont nous devons nous déshabituer; c'est le « faire » regrettable auquel le Zen fait allusion quand il nous dit que nous n'avons rien à faire, que nous devons apprendre à ne plus faire.

Mais ce conseil est difficile à bien comprendre. Si j'y vois une condamnation du dressage, je me trompe, car cette condamnation ne me sort pas de l'évaluation; elle n'aboutit qu'à une inversion du dressage; dans cette fausse compréhension, je me dresserais à ne plus me dresser, ce qui ne changerait rien; je croirais, sans sortir de mon erreur, en l'efficacité réalisatrice d'un « contre-dressage » qui serait encore un dressage.

Le Zen nous dit de ne pas toucher à la vie : « Laissez les choses comme elles peuvent être. » Il n'y a pas lieu pour moi de modifier directement les habitudes que j'ai de me dresser. C'est indirectement seulement que je puis obtenir la disparition de ces habitudes, grâce à ma compréhension de plus en plus profonde que ces tentatives de dressage, que je continue de faire, n'ont en elles-mêmes aucune efficacité réalisatrice.

– Hubert Benoit, La doctrine suprême selon la pensée Zen, 4e édition, Paris: Le courrier du livre, 1967, p. 197