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Retour de pèlerinage

Quel bien cela faisait de revenir dans les Laurentides sans devoir franchir les portes d’un hôpital, assister à des funérailles, ou vivre dans l’inquiétude de les savoir si malades. L’atmosphère était tout autre : empreinte de joie intérieure (car je les sentais si présents en moi, et bienveillants aussi) et de profonde détente. Saint-Sauveur et la rue principale ont conservé leur charme. La place devant l’église, l’église elle-même, le beau concert à l’église, la librairie ésotérique, les factoreries, les belles montagnes, les émotions fortes, les souvenirs ravivés, le temps suspendu… Tout me rappelait hier et le sentiment que tout n’était pas révolu. Dans l’autocar vers Saint-Jérôme, l’émotion m’a submergée à la vue de Bellefeuille. Tout s’est ravivé. Là où je marchais avec ma mère… j’étais présente, nous étions là… Lorsque j’ai vu la sortie d’autoroute… j’étais dans la voiture auprès d’elle, et j'éprouvais exactement ce que j’avais vécu à ce moment-là. Il en fut de même dans...

Les étapes de la pratique du zen

« La première étape de la pratique ressemble à ce qui se passe quand on est pris au milieu d'une foule dense, dans une rue très passante. Il y a du monde partout, tout part dans tous les sens. On se sent légèrement effrayé, dépassé par les événements. Or, c'est comme cela que, pour la plupart, nous vivons nos vies.

Au bout d'un moment, en regardant un peu autour de soi – et c'est le deuxième stade de la pratique –, on arrivera à repérer des espaces, ici et là, dans la circulation et dans la foule. On réussira même à se frayer un chemin jusque sur un coin de trottoir d'où on verra un peu mieux et la circulation et les quelques espaces qu'on peut y remarquer.

Ensuite – cela correspond au troisième stade de la pratique – imaginez que vous montiez au quatrième étage d'un bâtiment et que vous observiez la rue depuis le balcon d'un appartement. De là, le spectacle est très différent : maintenant, vous pouvez même distinguer le sens de la circulation et des mouvements de foule.

À mesure que vous avancez dans votre pratique, c'est comme si vous grimpiez de plus en plus haut dans le bâtiment qui domine la rue. Aux étages les plus élevés, les mouvements de la rue ne sont plus que des figures géométriques changeantes. (...) On commence à apprécier l'ensemble du panorama, tel qu'il est. Même les embouteillages et autres points noirs de la circulation s'inscrivent dans cet ensemble ; on ne les perçoit plus comme étant de bonnes ou de mauvaises choses, mais en tant que partie intégrante d'un tout, de la vie.

Après des années de pratique, on en arrive parfois à un point où l'on sait tout simplement profiter des choses telles qu'elles sont : apprécier le spectacle de la vie tel qu'il se présente à nous, s'apprécier soi-même, tel qu'on est. Sans se sentir personnellement concerné, sans s'attacher à ses expériences, puisque l'on est tout à fait conscient de leur impermanence : tout n'est que flux. On est ainsi devenu le témoin de sa propre vie : on voit tout ce qui se passe, on apprécie, mais on reste conscient de l'instant, on ne s'accroche pas.

Au dernier stade de la pratique, on redescend dans la rue et on se mêle à la foule et à la cohue. Et pourtant, en plein milieu de tout ce tohu-bohu, on garde la tête claire parce que l'on est parfaitement conscient de la confusion qui règne alentour – conscient, donc pas affecté par elle. Dans ces conditions-là, on est capable d'apprécier le chaos et la confusion de la foule, capable d'aimer et d'aider ceux qui y sont pris, tout en gardant soi-même cette liberté qui, en réalité, avait toujours essentiellement, été nôtre. »

– Charlotte Joko Beck, Soyez zen : La pratique du zen au quotidien, Pocket, 1990, p. 165-166