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Retour de pèlerinage

Quel bien cela faisait de revenir dans les Laurentides sans devoir franchir les portes d’un hôpital, assister à des funérailles, ou vivre dans l’inquiétude de les savoir si malades. L’atmosphère était tout autre : empreinte de joie intérieure (car je les sentais si présents en moi, et bienveillants aussi) et de profonde détente. Saint-Sauveur et la rue principale ont conservé leur charme. La place devant l’église, l’église elle-même, le beau concert à l’église, la librairie ésotérique, les factoreries, les belles montagnes, les émotions fortes, les souvenirs ravivés, le temps suspendu… Tout me rappelait hier et le sentiment que tout n’était pas révolu. Dans l’autocar vers Saint-Jérôme, l’émotion m’a submergée à la vue de Bellefeuille. Tout s’est ravivé. Là où je marchais avec ma mère… j’étais présente, nous étions là… Lorsque j’ai vu la sortie d’autoroute… j’étais dans la voiture auprès d’elle, et j'éprouvais exactement ce que j’avais vécu à ce moment-là. Il en fut de même dans...

Les joies modestes de l'existence

« Notre forme d'existence actuelle résulte principalement de la valorisation excessive de chaque minute écoulée et de la domination de la vitesse, choses qui, sans aucun doute, détruisent de manière radicale toute joie de vivre. [...] Ainsi la gaîté diminue-t-elle malgré la multiplication des divertissements.

Il faut rester modéré pour jouir vraiment des choses de ce monde, et ne jamais négliger les joies modestes de l'existence.

Ces joies modestes qui s'offrent notamment aux gens pauvres sont tellement disséminées dans la vie de tous les jours, tellement discrètes et multiples, qu'elles touchent à peine la sensibilité apathique de la majorité des hommes occupés à travailler; elles ne sont pas spectaculaires, personne ne vante leurs mérites, et elles ne coûtent rien ! (Curieusement, les pauvres eux-mêmes ignorent que les joies les plus belles sont celles qui sont gratuites.)

L'essentiel réside dans le commencement, dans le fait d'ouvrir les yeux.

On sait à quel point l'oeil possède la capacité de se satisfaire et de jouir d'un rien.

L'oeil apprend à devenir l'intermédiaire qui nous révèle bien des détails charmants de notre environnement; il s'habitue tout seul et sans difficulté à observer la nature et les rues, à savoir la drôlerie inépuisable des petites choses de la vie.

Lorsqu'on apprend à voir, on redécouvre la gaîté, l'amour et la poésie. »

– Hermann Hesse, L'art de l'oisiveté ; traduit de l'allemand par Alexandra Cade, Paris : Calmann-Lévy, 2002, p. 13-18