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Vivre sans pourquoi

J’ai lu un livre d’un philosophe que je ne connaissais pas, mais dont le titre m’a interpellée : Vivre sans pourquoi . Son auteur, Alexandre Jollien, est un philosophe français dont la quête de sagesse m’a touchée par son authenticité. Sa démarche, bien que parfois hésitante, boiteuse ou imparfaite, sonne juste. Je le ressens comme un être fragile, vulnérable, mais profondément vrai. Il aborde le zen avec une certaine sagesse, même si j’ai été un peu déçue par la manière dont il en parle : trop folklorique, trop superficielle, pas assez incarnée. Le zen, à mon sens, ne se dit pas — il se vit, ici et maintenant, dans le silence du quotidien. La lecture de Vivre sans pourquoi est fluide, accessible au grand public. Jollien y expose ses névroses, ses angoisses, ses questionnements, ainsi que ses tentatives pour créer du sens et nourrir la compassion. Ce dévoilement intime est sans doute dans l’air du temps, mais j’ai une réelle sympathie pour cet homme. Il écrit avec sincérité, et cela...

En route vers Compostelle

« En une journée, j'avais tout perdu : mes repères géographiques, la stupide dignité que pouvaient me conférer ma position sociale et mes titres. Cette expérience n'était pas la coquetterie d'un week-end mais bien un nouvel état, qui allait durer.
En même temps que j'en subissais l'inconfort et que je pressentais les souffrances qu'il me ferait endurer, j'éprouvais le bonheur de ce dépouillement. Je comprenais combien il était utile de tout perdre, pour retrouver l'essentiel. Ce premier soir, je mesurais la folie de l'entreprise autant que sa nécessité et je me dis que, tout bien considéré, j'avais bien fait de me mettre en route. » (p. 51)

« Compostelle est un pèlerinage bouddhiste. Il délivre des tourments de la pensée et du désir, il ôte toute vanité de l'esprit et toute souffrance du corps, il efface la rigide enveloppe qui entoure les choses et les sépare de notre conscience; il met le moi en résonance avec la nature. Comme toute initiation, elle pénètre dans l'esprit par le corps et il est difficile de la faire partager à ceux qui n'ont pas fait cette expérience. » (p. 169)

« Certains aspects du Chemin sont un peu plus durables : pour moi, ce fut surtout la philosophie de la mochila. Pendant plusieurs mois après mon retour, j'ai étendu la réflexion sur mes peurs à toute ma vie. J'ai examiné avec froideur ce que littéralement je porte sur le dos. J'ai éliminé beaucoup d'objets, de projets, de contraintes. J'ai essayé de m'alléger et de pouvoir soulever avec moins d'efforts la mochila de mon existence. » (p. 256)

- Jean-Christophe Rufin, Immortelle randonnée, Compostelle malgré moi, Chamonix : Éditions Guérin, 2013.

Je crois qu'il vous plairait de lire ce récit truffé d’anecdotes, de clins d’œil amusants, de descriptions du Chemin et des pèlerins.

De la France, il y a deux principaux chemins vers Compostelle : le Chemin français, par les Pyrénées, départ de Saint-Jean-Pied-de-Port, et le Chemin du nord, le moins fréquenté, le moins direct, qui longe les côtes basques, celui que l’auteur a privilégié.

Lorsque l'auteur parle de la philosophie de la mochila (qui veut dire « sac à dos », en français), il fait référence à l'approche des adeptes de la « marche ultralégère » (MUL), pour qui « le poids, c'est de la peur. » « L'essentiel consiste à méditer sur la notion de charge et, au-delà, sur le besoin, sur l'objet, sur l'angoisse qui s'attache à la possession. » (p. 219)

En lisant ce récit de voyage, l'on saisit un peu mieux ce qui amène les gens à s'élancer sur les chemins de Compostelle. De nombreuses personnes sont attirées par les valeurs de dépouillement, d'union avec la nature et d'épanouissement de soi, mais leur démarche vise bien souvent à s'extraire du carcan d’un boulot trop prenant, d’un mariage trop bien ficelé, d’une vie trop à la course ou trop peu satisfaisante. Le Chemin invite aux changements et favorise la prise de conscience.