Marguerite Yourcenar: Les bouleversements de la guerre 1914-1918

« En août-septembre 1914, la guerre surprend Michel de Crayencour à Westende, où l'enfant garde le souvenir d'avoir entendu tout le jour sonner les tocsins des petites villes et des villages flamands. Les routes vers la France étant bloquées, Michel et sa fille s'embarquent pour l'Angleterre. Ils passeront un an dans la banlieue de Londres, dans une maison flanquée d'un petit jardin, à peu près à égale distance du Common de Putney et du parc de Richmond où Marguerite se passionne pour les promenades à dos de poneys et pour des biches apprivoisées. Visite des musées de Londres, de Westminster Abbey, de quelques sites de l'Angleterre. Marguerite apprend l'anglais et commence avec son père l'étude du latin. »

« En septembre 1915, Marguerite continue ses études privées dans le Paris de la guerre. Sur sa demande, Michel de Crayencour lui fait commencer le grec. Elle apprend par ses propres moyens à lire les poètes italiens dans leur langue. »

« En novembre 1917, Monsieur de Crayencour, malade, en proie à de sérieuses difficultés d'argent et assombri par la tournure que prennent les événements, quitte Paris pour le Midi. »

« Entre novembre 1917 et septembre 1922, Monsieur de Crayencour s'installe successivement à Menton, à Monte-Carlo, à Saint-Roman, et consacre une partie de son temps à essayer de refaire au jeu sa fortune compromise. L'adolescente laissée à elle-même poursuit ses études avec des précurseurs. Elle visite avec son père les sites de la Provence, et fait avec lui la lecture de bon nombre d'auteurs classiques et des maîtres de la littérature européenne du XIXe siècle. Elle passe à Nice en 1919 un baccalauréat latin-grec. »

« Elle compose à seize ans un poème dialogué inspiré de la légende d'Icare. Le jardin des Chimères, publié en 1921 chez Perrin aux frais de M. de Crayencour, comme le sera en 1922 chez Sansot un volume de vers, Les dieux ne sont pas morts, simples exercices de débutant où abondent les imitations littéraires. Par jeu, avec l'aide de son père, elle se fabrique l'anagramme (Yourcenar) dont elle finira par se servir exclusivement, et qui deviendra son nom légal aux États-Unis à partir de 1947. »

– Marguerite Yourcenar, Oeuvres romanesques, Paris : Gallimard, 1982 p. XIV et XV