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Retour de pèlerinage

Quel bien cela faisait de revenir dans les Laurentides sans devoir franchir les portes d’un hôpital, assister à des funérailles, ou vivre dans l’inquiétude de les savoir si malades. L’atmosphère était tout autre : empreinte de joie intérieure (car je les sentais si présents en moi, et bienveillants aussi) et de profonde détente. Saint-Sauveur et la rue principale ont conservé leur charme. La place devant l’église, l’église elle-même, le beau concert à l’église, la librairie ésotérique, les factoreries, les belles montagnes, les émotions fortes, les souvenirs ravivés, le temps suspendu… Tout me rappelait hier et le sentiment que tout n’était pas révolu. Dans l’autocar vers Saint-Jérôme, l’émotion m’a submergée à la vue de Bellefeuille. Tout s’est ravivé. Là où je marchais avec ma mère… j’étais présente, nous étions là… Lorsque j’ai vu la sortie d’autoroute… j’étais dans la voiture auprès d’elle, et j'éprouvais exactement ce que j’avais vécu à ce moment-là. Il en fut de même dans...

Pesanteur et temps

« La pesanteur et le temps sont liés par un rapport profond. Les horloges sont mues par des poids, et c'est même vrai du cadran solaire. Aussi l'effort pour suspendre le cours du temps est-il d'abord dirigé contre la pesanteur; l'esprit veut prendre son essor par-dessus le temps, en se dépouillant de la consciense écrasante de la pesanteur, en se libérant d'elle; dans l'ivresse, dans le songe, dans l'étreinte amoureuse, la méditation, l'extase, et surtout dans la mort qui rejette le corps, support de la pesanteur, et qui anéantit le temps.

Nous nous représentons la liberté et le plaisir comme légers, la douleur comme lourde. La liberté est maîtresse du temps, qui fuit en elle, insensiblement, et qui s'étire dans les moments de captivité. Le plaisir fait que les heures s'envolent; dans la souffrance, elles deviennent interminables. »

- Ernst Jünger, La cabane dans la vigne, journal 1945-1948, Christian Bourgeois éditeur, 2014, p. 496