Yoga et méditaion

Le secret du yoga tient en deux pratiques : le contrôle du souffle et la méditation.

« La respiration est de toutes les fonctions du corps la seule qui soit volontaire ou involontaire à volonté. Il s’agit de la rendre volontaire et de s’en emparer. C’est par là qu’on a prise, de fil en fil, sur les autres fonctions. Et qui dit volonté dit connaissance. Pour qui veut connaître son corps du dedans c’est la corde du puits. Or, notre corps est le résumé de toute la création, le seul objet que nous puissions connaître en même temps du dedans que de dehors. Le connaissant, on connaît tout le reste. Le contrôle du souffle est donc la pierre philosophale et le principe des transformations. »

« Tout ce qu’on nous enseigne c’est à tirer l’air par la narine droite et à le lâcher par la gauche en nous bouchant le nez alternativement du pouce et de l’annulaire ; ce qui ne présente aucune difficulté et aucun intérêt ... »

Quant à l’autre pratique, la méditation, elle ne consiste pas à se fixer. Ce n’est pas non plus de réfléchir sur un sujet, ni de s’appliquer à l’approfondir. Pour atteindre la méditation, il convient d’abandonner l’habitude de penser.

« (...) la fin de la méditation c’est la connaissance de l’un, de l’un intérieur, du soi. La pensée ne peut donc pas s’introduire là. C’est un mystère que la nature même de la pensée, non son défaut, l’empêche de percer. Il faut que la pensée se renonce pour concevoir l’un. »

« Méditer c’est entrer dans la vérité sans la découvrir, sans la voir du dehors, sans l’ouvrir en paroles. »

« Ainsi donc loin d’écarter toute image, efforcez-vous d’en dresser une et de lui donner toute puissance en vous. Prenez-la telle que vous puissiez vous y fixer tout entier. »

« J’emplis maintenant sans étouffement « la plus petite mesure ». Je l’ai fait constater ce matin à mon ami. Il s’en réjouit et m’en loua : « Vous n’êtes plus un novice, vous êtes un sâdhœk désormais. La mesure est petite, mais c’est déjà celle d’un yoguî. Il m’intime l’ordre de ne pas essayer de me pousser au-delà mais de m’y tenir pendant plusieurs mois. « Si vous vous forcez trop, un accident est à craindre. » »

« Le grand danger du yôg c’est qu’il fait grandir l’homme. Or le grand peut tomber aussi bien que le petit, mais il tombe de plus haut. Quand un arbre grandit et verdoie dans le ciel, c’est qu’alors sa racine grandit noire sous la terre. L’homme de bien est celui qui tient son mal derrière lui et sous ses pieds. Le juste est celui qui maintient chaque chose à sa place. Les choses d’en bas lui servent de ressource et de base. Mais la soumission des choses d’en bas n’empêche pas leur existence. Le refoulement les irrite au contraire et la pression les doue de puissance explosive. (...) L’homme sublime sans profondeur n’est pas un saint, n’est pas un sage, ni même un homme. Il n’a pas de racine et n’a pas de substance. Oh ! oh ! la sage image et le pieux mensonge. L’émasculé ne peut rien espérer du yôg, non plus que l’homme dissolu. Les racines de l’un sont coupées, celles de l’autre ont pourri. »

« Le fait est que je ne pouvais plus dans la méditation garder l’œil fixe et sec, ni le cœur pur de tout souvenir et de mélancolie. »

« Pratiquer le yôg c’est apprendre à vivre et à mourir comme on apprend à jouer d’un instrument. La part de patience, d’habileté technique, de convention et d’artifice et la part d’inspiration y sont les mêmes. L’instrument c’est le corps vivant, le corps intérieur inconnaissable à ceux qui l’observent du dehors comme à ceux qui le tuent pour l’ouvrir et pour en disséquer le résidu visible. Les cordes en sont les conduits du souffle vital et du fluide magnétique. Les doigts qui font sonner les notes sont les touches de l’attention réfléchie. Liberté résulte de maîtrise et lui revient. La mélodie enfin c’est la joie de celui qui joue et de ceux qui ont des oreilles pour l’entendre. Celui qui sait jouer cette musique-là n’a pas seulement la joie, il devient la joie. »

– Lanza Del Vasto, Le pèlerinage aux sources, Paris: Éditions Denoël, 1943, 407 p. (extraits)