L'éternelle histoire de tous, l'inéluctable destin

« On dit : Ah ! si je n'étais pas parti, si je n'avais pas ouvert la main et laissé échapper ce qu'elle tenait, si je n'avais pas renoncé ! Eh! bien, si l'on n'était pas parti, les choses seraient parties, si l'on n'avait pas ouvert la main, ce que l'on y tenait serré, comme le sable fin des dunes, se serait échappé entre nos doigts vainement crispés. Si l'on n'avait pas renoncé, les autres, êtres ou choses, auraient renoncé à nous.

L'eau du torrent coule, coule, les mondes tournent, tout se meut, tout passe, tout se transforme; l'immobilité, la stabilité, sont rêves de fous....

Tout est impermanent. Il faut se résigner à cette loi ou bien passer au-delà d'elle, mais elle signifie passer au-delà du monde, au-delà de la vie et de la mort, au-delà de l'illusion du "Moi". »

– Alexandra David-Néel, Journal de voyage (t. 1) : Lettres à son mari, Paris : Librairie Plon, 1975, p. 385