Rosa Ponselle : Soprano américaine de l’entre-deux-guerres



Rosa Ponzillo (« Ponselle ») est née en 1897 à Meriden (Connecticut) dans une famille de pauvres émigrants d’Italie du Sud. Elle a débuté sa carrière au cinéma muet en jouant du piano et, plus tard, elle a chanté sur les scènes des music-halls dans diverses pièces de vaudeville en compagnie de sa soeur Carmella. Après huit mois d’études vocales avec William Thorner, elle faisait ses débuts à l’opéra.

Influence de Caruso

C’est Caruso (1873-1921), dont la popularité était exceptionnelle, qui la fit engager au Metropolitan Opera (« Met ») de New York en 1918. On la surnommait d’ailleurs « La Caruso en jupons ».

Sa légende a commencé dès le jour de ses débuts au Met (le 15 novembre 1918) dans la Leonora de La Forza del Destino (« La Force du destin ») de Verdi aux côtés de Caruso. Le public fut séduit par sa voix chaude et voluptueuse, sombre et puissante, d’une grande homogénéité. Dès l’année suivante, la firme American Columbia enregistrait une première série de disques.

Sa belle allure, sa formidable technique vocale, sa présence irrésistible, son timbre de voix riche et sa façon exceptionnelle de communiquer une flamme à tous ses rôles en firent l’une des premières divas modernes.

Le Metropolitan Opera de New York (le « Met »)

Bien qu’en matière d’opéra les États-Unis restèrent longtemps tributaires de l’Europe, la situation s’est inversée dès les années 1930 et plus encore après la Seconde Guerre mondiale. Les activités musicales se multiplièrent tant à New York que dans le reste du pays. Le Met, inauguré en 1883, fut le sanctuaire des divas de l’entre-deux-guerres; la Scala de Milan ayant été abandonnée par Arturo Toscanini qui fuyait le fascisme. Le Met eut un certain nombre de prédécesseurs célèbres, dont l’Academy of music (1854) et il s'est heurté au début du XXe siècle à la concurrence du Manhattan Opera House. Aujourd'hui, le Met, dont la salle a été transférée en 1966 au Lincoln Center, compte parmi les dix ou douze meilleurs Opéras du monde.

Le grand ténor Caruso a fait sa dernière apparition au Met, le 24 décembre 1920, dans le rôle d’Eléazar de La Juive de Jacques Fromental Halévy aux côtés de Rosa Ponselle, dans le rôle de Rachel.

Jusqu’à son départ de la scène en 1937, Rosa Ponselle est restée fidèle au Met, à l’exception de quelques apparitions au Covent Garden (Londres) de 1929 à 1931. Sa sœur Carmella a chanté également au Met de 1925 à 1935. Elles n’ont chanté ensemble qu’une seule fois, dans La Gioconda de Ponchielli.

Rosa Ponselle a donné occasionnellement des récitals devant ses amis et, en 1954, plusieurs enregistrements privés démontraient que sa voix était encore excellente.

Jusqu’à la fin de sa vie, elle a manifesté un vif intérêt pour la musique et l’opéra. Elle s’est éteinte le 25 mai 1981 dans le Maryland à l’âge de 84 ans.

Deux de ses plus grands rôles

Le répertoire italien était sa spécialité (sauf Puccini). Elle a obtenu un succès retentissant avec Norma de Bellini et La Vestale de Spontini.

Norma de Bellini

À partir de 1931, en direct du Met, les auditeurs purent entendre la Norma anthologique de Rosa Ponselle avec son célèbre « Casta Diva », cette magnifique prière qui s’annonce dès les premiers arpèges.

Lorsque Maria Callas a interprété le rôle de la druidesse gauloise au Teatro Communale de Florence, le 30 novembre 1948, inévitablement, on s’est livré à des comparaisons avec Ponselle et Pasta, dont, selon Stendhal, l’effet sur le public était « un effet hypnotique instantané sur l’âme du spectateur ». ([6], p. 88)

Le rôle de Norma est un défi du cœur et de l’esprit. Bellini demande à ses interprètes d’acrobatiques fioritures, contrairement à Puccini et Verdi qui exigent de l’intensité dramatique. Ponselle parvint à donner une grandeur tragique à ce personnage en proie à des passions violentes.

La Vestale de Spontini

Le nom de Rosa Ponselle reste étroitement lié à La Vestale de Spontini aux merveilleux récitatifs que le Met a monté pour elle en 1925. En 1938, elle a été invitée par le Mai musical de Florence pour interpréter ce rôle, à la demande du régime fasciste.

Réaction de Maria Callas

« Face au talent véritable, l’artiste en Maria le reconnaissait et l’admettait toujours. Zeffirelli se rappelle lui avoir apporté un disque intitulé The Golden Age at the Metropolitan ; elle s’esclaffa en entendant Tetrazzini et Galli-Curci, mais lorsque Rosa Ponselle se mit à chanter, elle se tut et écouta religieusement. »
([6], p. 230)

Discographie
(notre sélection)

Rosa Ponselle sings Verdi, The 1918-1928 Recordings, Naxos (ADD 8.110728) avec Giovanni Martinelli (ténor), Riccardo Stracciari (Baryton) et Ezio Pinza (Basse). c2002 HNH International Ltd.

Sources :

[1] « Éphémérides », InfOpéra, vol. 13, no. 5, janvier 2006, p. 9

[2] Matheopoulos, Helena, Les ténors du siècle : de Caruso à Pavarottti, Paris : Éditions de La Martinière, c1999, 120 p.

[3] Opéras : les incontournables, sous la direction de Jorge Amat, Paris : Filipacchi, c1993, 237 p.

[4] Orrey, Leslie, Histoire de l’opéra ; édition revue par Rodney Milnes ; traduit de l’anglais par Catherine Cheval, Paris : Thames & Hudson, 1991, 252 p.

[5] Segond, André, Divines divas, Paris : Gallimard, 2002, c1993, 144 p.

[6] Stassinopoulos, Arianna, Maria Callas : par delà sa légende ; trad. par Philippe Delamare, Éric Diacon et Claude Gilbert, Paris : Fayard, 1981, 443 p.