Moi, Asimov (Isaac Asimov)

Au fil de l’expérience

« Dans la vie, les éléments les plus importants sont ceux qui se constituent progressivement, au fil de l’expérience ; heureux ceux qui les intègrent plus vite et plus facilement que moi. »

Complaisance et apitoiement sur soi

« Chacun a droit à une dose limitée de complaisance. Plus tu en ressentiras pour toi-même, moins les autres gens en auront à ton égard. Si tu t’apitoies beaucoup sur ta petite personne, il n’y aura pas un seul être humain pour te prendre en pitié. En revanche, si tu affrontes courageusement tes problèmes, tu recevras toute la compassion, toute l’aide dont tu auras besoin. »

Façonnement par la vie

« Tous nos actes, c’est évident, résultent de modifications intervenues dans l’environnement, donc de facteurs dont il est rare qu’on ait la maîtrise. Si, de gamins odieux, je suis devenu un patriarche universellement aimé, ce n’est pas parce que j’en ai pris la décision, mais parce que j’ai été façonné par la vie de manière plus ou moins inconsciente. Je me félicite de ce qu’elle m’ait façonné dans le bon sens. Mais je n’y suis pour rien. »

Mise en garde sur l’anéantissement de la planète

« L’auteur de science-fiction Ben Bova prétend que nous autres auteurs sommes des éclaireurs dépêchés par l’humanité pour explorer l’avenir. Nous en revenons porteurs de recommandations touchant au progrès de la civilisation et de mises en garde sur l’anéantissement de la planète. Il est vrai qu’à une époque comme la nôtre où les êtres humains oeuvrent complaisamment à leur propre destruction, il est impératif que les sommations soient inlassablement répétées. »

Planète en danger

« L’humanité nuit à la planète et à son équilibre écologique depuis qu’elle a appris à tailler la pierre pour fabriquer des armes, et à s’organiser en bandes pour traquer les grands herbivores. Je suis persuadée que les bandes de chasseurs sont responsables de la disparition des mammouths et autres mammifères géants qui écumaient la surface de la Terre il y a vingt mille ans. Puis, il y a dix mille ans, les humains ont acquis un savoir-faire suffisant pour se lancer dans l’agriculture et l’élevage, et ce fut le début d’un long processus de destruction de l’environnement par excès de pâturage et de mise en culture. Pourtant, ils ont eu beau se rendre coupables des guerres et des pillages les plus insensés, ils n’ont véritablement mis la planète en danger qu’en 1945, année de la première bombe atomique. Alimentée par un pétrole encore bon marché, la révolution industrielle en marche est alors passée à la vitesse supérieure. Actuellement, nous sommes tout à fait en mesure d’abîmer notre monde, irrémédiablement et à court terme ; pour tout dire, le processus est déjà enclenché. »

Problèmes écologiques majeurs

« Nous sommes actuellement confrontés à des problèmes écologiques majeurs qui font planer sur la civilisation une menace d’anéantissement imminent et peuvent signer l’arrêt de mort de la Terre en tant que monde habitable. L’humanité n’a pas les moyens de gaspiller ainsi ses ressources financières et affectives dans d’interminables chamailleries dépourvues de sens. Nous devons acquérir une vision planétaire, nous unir sans exception pour résoudre les véritables problèmes, communs à tous les habitants de la Terre. Est-ce faisable ? Se poser la question, c’est comme se demander : « L’humanité peut-elle survivre ? » »

Rationalisme et surnaturel

« J’ai une vision de la vie qui m’est propre et où le surnaturel n’a pas sa place, sous quelque forme que ce soit ; et cette vision me satisfait pleinement. En bref, je suis un rationaliste, et je ne crois qu’en ce que la raison me présente comme rationnel. Et croyez-moi, ce n’est pas facile. Nous sommes environnés par la croyance dans un monde où les diverses formes de surnaturel sont acceptées avec une facilité déconcertante, cernés par les foudres des autorités constituées qui tentent à toute force de nous faire croire en son existence, à tel point que les convictions les mieux établies se laissent parfois ébranler. »

Subdivision en groupuscules

« Je refuse de me considérer comme dépassant la définition simple mais précise d’«être humain», et il me semble que si nous voulons éviter l’anéantissement de la civilisation, voire de l’espèce humaine toute entière, notre problème le plus délicat - outre la surpopulation - reste cette diabolique habitude que nous avons de nous subdiviser en groupuscules autosatisfaits et enclins à se stigmatiser les uns les autres. (...) Le raisonnement qui attribue à tel ou tel groupe artificiellement défini le mérite de tel ou tel haut fait réel ou imaginaire peut aussi servir à justifier l’asservissement et l’humiliation des individus, par les méfaits réels ou fantasmés du même groupe. »

– Extraits puisés dans le livre d'Isaac Asimov, Moi, Asimov : essai autobiographique, traduit de l’américain par Hélène Collon, Paris : Éditions Denoël, 1996, 609 p.