L'ermitage

« Je vais enfin savoir si j'ai une vie intérieure. » (p. 36)

« Pourquoi les hommes adorent-ils davantage les chimères abstraites que la beauté des cristaux de neige ? » (p. 38)

« Le froid, le silence et la solitude sont des états qui se négocieront demain plus chers que l'or. » (p. 41)

« L'essentiel ? Ne pas peser trop à la surface du globe. » (p. 43)

« La sobriété de l'ermite est de ne pas s'encombrer d'objets, ni de semblables. De se déshabituer de ses anciens besoins. » (p. 50)

« Le luxe de l'ermite, c'est la beauté. Son regard, où qu'il le pose, découvre une absolue splendeur. » (p. 50)

« L'ermite est moins drôle, moins vif, moins incisif, moins mondain, moins rapide que son cousin des villes. Il gagne en poésie ce qu'il perd en agilité. » (p. 66)

« Il est bon de n'avoir pas à alimenter une conversation. » (p. 74)

« L'imprévu de l'ermite sont ses pensées. Elles seules rompent le cours des heures identiques. Il faut rêver pour se surprendre. » (p. 81)

« Pour parvenir au sentiment de liberté intérieure, il faut de l'espace à profusion et de la solitude. Il faut ajouter la maîtrise du temps, le silence total, l'âpreté de la vie et le côtoiement de la splendeur géographique. L'équation de ces conquêtes mène en cabane. » (p. 101)

« Aujourd'hui, je n'ai nui à aucun être vivant de cette planète. » (p. 117)

« Si l'on m'apportait dans l'instant un journal plein de nouvelles, je considérerais cela comme un tremblement de terre. » (p. 128)

« Je n'ai rien à voir avec ce système, pas même assez pour m'y opposer. » (Walt Whitman) (p. 130)

« L'ermitage resserre les ambitions aux proportions du possible. En rétrécissant la panoplie des actions, on augmente la profondeur de chaque expérience. » (p. 147)

« Un ermite ne menace pas la société des hommes. Tout juste en incarne-t-il la critique. » (p. 162)

« L'ermite se tient à l'écart, dans un refus poli. Il ressemble au convive qui, d'un geste doux, refuse le plat. » (p. 162)

« L'ermite ne s'oppose pas, il épouse un mode de vie. Il ne dénonce pas un mensonge, il cherche une vérité. » (p. 162)

« Avoir peu à faire entraîne à porter attention à toute chose. » (p. 181)

« On dispose de tout ce qu'il faut lorsque l'on organise sa vie autour de l'idée de ne rien posséder. » (p. 191)

« Les idéologies, comme les chiens, restent au seuil de la porte des ermitages. » (p. 208)

« L'ermite accepte de ne plus rien peser dans la marche du monde, de ne compter pour rien dans la chaîne des causalités. Ses pensées ne modèleront pas le cours des choses, n'influenceront personne. Ses actes ne signifieront rien. (Peut-être sera-t-il encore l'objet de quelques souvenirs.) Qu'elle est légère, cette pensée ! » (p. 216)

« Faut-il à tout prix gagner les bois si l'on refuse son temps ? On peut trouver silence dans ses voûtes intérieures. » (p. 218)

« Au fond des bois, si le monde reste morne et l'entourage insupportable, c'est un verdict : vous ne vous supportez pas ! » (p. 225)

« La vie en cabane est un papier de verre. Elle décape l'âme, met l'être à nu, ensauvage l'esprit et embroussaille le corps, mais elle déploie au fond du coeur des papilles aussi sensibles que les spores. L'ermite gagne en douceur ce qu'il perd en civilité. » (p. 277)

« S'il veut garantir sa santé mentale, un anachorète jeté sur un rivage doit habiter l'instant. Qu'il commence à échafauder des plans, il versera dans la folie. Le présent, camisole de protection contre les sirènes de l'avenir. » (p. 277)

« Il est bon de savoir que dans une forêt du monde, là-bas, il est une cabane où quelque chose est possible, situé pas trop loin du bonheur de vivre. » (p. 288)

- Extraits du livre de Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, Gallimard, 2011.

Le fabuleux récit d'un ermitage de six mois dans une cabane en Sibérie (février à juillet 2010). L’auteur a tenu un journal qui fourmille d’intéressantes réflexions sur l'ermitage, avec de belles descriptions de ses journées (occupations, rencontres) et des lieux. Aussi, des citations tout à fait appropriées sur la vie d'ermite.