Kiki de Montparnasse

Après avoir vu le film de Woody Allen, « Minuit à Paris », l'envie d’en apprendre davantage sur les années 20 et sur Kiki de Montparnasse (1901-1953), l’une de ses plus importantes témoins.

C’est avec bonheur que nous avons déniché les « Souvenirs retrouvés » de Kiki de Montparnasse, publié à Paris en 2005 (Éditeur José Conti).

Ce texte de souvenirs fut publié une première fois en 1929; Hemingway en avait rédigé la préface. Dès la parution, ce livre connut un succès merveilleux, jusqu’à ce que la censure s’abatte sur lui. Ce n’est que plus tard, en 1938, que Kiki réécrit ses souvenirs. Toutefois, l’imminence de la Deuxième Guerre mondiale en retarde la publication. À sa disparition en 1953, son compagnon de l’époque, André Laroque, tente de faire éditer ce texte, mais sans succès. Le manuscrit disparaît pendant cinquante ans, réfugié au milieu des cartons, avec cette simple mention : « infiniment précieux ».

Que relate Kiki de Montparnasse dans ce joli petit livre de Souvenirs retrouvés ? Elle parle de sa naissance, le 2 octobre 1901, dans un joli coin de la Bourgogne. Elle raconte quelques souvenirs de son enfance, celle d’une bâtarde élevée par sa grand-mère. Elle n’a que douze ans lorsqu’elle débarque à Paris en compagnie de sa mère. Elle s’y rend pour apprendre le métier de lino-typo. C’est le métier que sa mère pratique. Il lui faut un peu d’orthographe. Elle abandonne rapidement ce cours. Pour gagner sa vie, elle travaille dans un atelier de brochage. Elle abandonne l’atelier pour se placer chez une boulangère, qu’elle finit par quitter. Elle erre dans les rues de Paris, le ventre creux. Elle passe des jours sans manger.

Son premier contact avec la vie d’artiste commence le jour où elle propose de poser nue, elle n’a que quinze ans. Sa mère ne s’étant jamais beaucoup préoccupée d’elle, l’école de la vie devient vite son école. Elle fréquente les peintres au Dôme ou à La Rotonde. Ceux-là, ce sont de vrais copains. Ils habitent à six dans un petit atelier, 9 rue Campagne-Première. Ils boivent du thé sans sucre. L’un d’eux ramène parfois des sardines, du pâté ou des poules au pot. Ils ne demandent jamais d’où ça vient, mais ils dévorent à belles dents. Chez Rosalie, Utrillo, Modigliani et d'autres peintres se retrouvent pour boire et manger, bien souvent ils n’ont pas de quoi payer leur repas, alors ils laissent une toile ou des peintures sur les murs.

Kiki parle des années 1929 à 1931 qui coïncident avec une période néfaste pour Montparnasse. Elle raconte la folie d’Henri Broca, la mort de sa mère et toute une série noire d’événements. Elle-même traverse une période sombre. Elle se drogue, se met à engraisser. Entre 1932 et 1938, elle n’écrit rien. Il y a dans Montparnasse une quinzaine de cabarets sur lesquels elle ne voit rien à dire. Montparnasse ne se signale pas spécialement pendant ces années-là, écrit-elle.

Pour clore son récit, Kiki glisse quelques mots sur sa cure de désintoxication. La seconde tentative réussit. Elle entre en clinique et lorsqu’elle en ressort, au bout de quelques jours, son organisme est complètement débarrassé de ce besoin. Elle reprend goût à la vie.

Pour poursuivre cette belle aventure de Montparnasse dans les années 20, il faut lire La vie réinventée d’Alain Jouffroy, Monaco : Éditions du Rocher, 2004. Ça se lit comme un fabuleux roman.